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ASSOCIATION FÉCAMP TERRE-NEUVE
LA FIGURE DE PROUE

La figure de proue allongée à l'étrave
Vers les quatre infinis, le visage en avant
S'élance; et, magnifique, enorgueilli de vent,
Le bateau tout entier la suit comme un esclave

Les yeux ont la couleur du large doux-amer
Mille relents salins ont gonflés ses narines
Sa poitrine a humé mille brises marines
Et sa bouche entr'ouverte a bu toute la mer

Lors de son premier choc contre la vague ronde
Quand, neuve, elle quitta le premier de ses ports
Elle mit, pour voler, toutes voiles dehors
Et ses jeunes marins criaient « Au nord du monde »

Ce jour la mariait, vierge, avec l'Inconnu
Le hasard, désormais, la guette à chaque rive
Car, sur la proue aiguë où son destin la rive
Qui sait quels océans laveront son front nu

Elle naviguera dans l'oubli des tempêtes
Sur l'argent des minuits et sur l'or des midis
Et ses yeux pleureront les havres arrondis
Quand les lames l'attaqueront comme des bêtes

Elle saura tous les aspects, tous les climats
La chaleur et le froid, l'Equateur et les pôles
Elle supportera sur ses frêles épaules
Le monde, et tout le ciel aux pointes de ses mâts

Et toujours, face au large où neigent des mouettes
Dans la sécurité comme dans le péril
Seule, elle mènera son vaisseau vers l'exil
Où s'en vont à jamais les désirs des poètes

Seule, elle affrontera les assauts furibonds
De l'ennemi énigmatique et ses grands calmes
Seule, à son front, elle ceindra, telles des palmes
Les souvenirs de tant de sommeils et de bonds […]

Lucie Delarue-Mardrus, 1908

[Le poème en entier ici ]